Absolème impact du coronavirus sur l'industrie de la mode

Ajay Aggarwal / Hindustan Times / Getty Images

Ce n'est un secret pour personne, la rapidité de la propagation du covid-19 à l’échelle planétaire en fait une pandémie sans précédent dans l'histoire. De nombreux pays ont fait le choix de la quarantaine, ou du moins de distanciation sociale, et c’est près de 3 milliards de personnes qui sont confinées chez elles à l'heure actuelle. Une situation imprévisible, et d’autant plus difficile à gérer qu’elle est source d’incertitude aussi bien pour les populations que pour les entreprises ou les gouvernements.

Une catastrophe économique, c’est certain, avec des mises en place de politiques coûteuses, des centaines de milliers de personnes mises au chômage (au moins au chômage partiel), et des industries misent à mal. Si la santé reste le domaine prioritaire dans une telle conjoncture, la pensée de l’après coronavirus nous a poussé à nous demander quelles sont et quelles seront les conséquences du covid-19 sur l’industrie de la mode. Alors on a mené notre enquête, en particulier auprès de l'excellent magazine BoF (The Business of Fashion). Cet article n'est sans aucun doute pas exhaustif, mais vous permettra d'avoir un aperçu et de toucher du doigt l'impact du coronavirus sur le secteur de la mode. 

 

La mode, une industrie touchée de plein fouet par le covid-19

Si la mode est autant affectée par le covid-19, c'est dans un premier temps parce que ce sont des pays jouant un rôle majeur dans cette industrie qui ont été les premières victimes de la pandémie, bloquant ainsi l'ensemble des process. Avec la mise en quarantaine et le confinement de la Chine en particulier, « l’usine du monde », ainsi que de l'Italie, le secteur de la mode souffre de plein fouet de la situation. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : une baisse des revenus de 27 à 30% est attendue cette année pour l’industrie de la mode.

Dans un second temps, la fermeture des magasins non-essentiels et le confinement des populations sont venus aggraver le phénomène. Les experts prédisent une chute de 44% du profit annuel des boutiques de fast retail. Une situation dramatique sur le plan économique, aux conséquences plus lourdes qu’on ne pourrait le penser. Les consommateurs privilégient les achats de première nécessité (alimentaire, hygiène), et les marques de mode se retrouvent dans une réelle vraie difficulté à la fois financière et logistique - difficulté qui pour certaines marques va jusqu’à les mettre véritablement à genoux. De très grandes marques, a première vue solide, ressentent pourtant déjà une chute conséquente de leur activité, parmi lesquelles Zara et Burberry, pour ne citer qu’elles.

L’exemple de la marque américaine Gap Inc. est probant pour illustrer l'ampleur des conséquences de cette baisse forcée de la consommation. Les ventes chutent : la marque souhaite limiter les pertes, et de toute façon les entrepôts sont pleins. Résultat, la marque américaine devant prendre des mesures drastiques pour sa survie, a annulé ses commandes pour l’été et le printemps 2020. Dans un effet domino, le travail manque, et le chômage est en hausse. 

Le cas de Gap est loin d'être un cas isolé, et nombreux sont les marques et les groupes à avoir annulé - ou du moins gelé - leurs commandes. C'est aussi le cas de Primark par exemple. L'accumulation de ces annulations est responsable d'une hausse incroyablement rapide et immédiate du chômage, générant une véritable crise humanitaire, comme nous le verrons plus bas.

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Laura Stevens / Getty Images

Au sein même du secteur de la mode, le luxe et la Haute Couture sont tout particulièrement impactés par le coronavirus. Les Fashion Week sont ainsi annulées, une première dans l’histoire de la mode. En parallèle, avec la baisse du tourisme, les grandes marques iconiques perdent une bonne partie de leurs acheteurs – parmi lesquels on trouve, en première ligne, les Chinois, responsables de 35% des achats de biens de luxe. C’est plus du tiers des revenus mondiaux qui vont tout simplement s’évaporer cette année dans le secteur du luxe ; en espérant un retour à la croissance pour 2021.

Malgré ces difficultés financières, il est important de rappeler que les marques de luxe témoignent leur solidarité face au covid-19, et mobilisent leurs usines pour produire masques et gel hydroalcoolique. Le groupe LVMH a rassemblé ses forces pour aider à lutter contre le virus, en mobilisant trois marques (Dior, Givenchy et Guerlain) pour produire des gels hydroalcooliques, et en mobilisant Louis Vuitton pour la production de masques textiles. Et au fil du temps, ce sont loin d’être les seuls à s’être mobilisés : Kering (maison Balenciaga et Saint Laurent), Gucci, Prada et Inditex se sont joints au mouvement pour soutenir la production de protections contre le virus. Sans compter les nombreuses donations : LVMH a donné 2,2 millions de dollars à la Croix Rouge chinoise par LVMH, et Giorgio Armani 1,25 million d'euros pour les hôpitaux italiens. Une belle démonstration de solidarité en cette période de pandémie.

 

Le coronavirus, responsable d'une crise humanitaire

Avec le coronavirus, vous l'avez compris, ce sont plusieurs milliers (... des millions même) d’emplois qui sont impactés, et le chômage amorce une hausse impressionnante, aussi soudaine qu'exponentielle. Aux Etats-Unis seulement, ce sont quelques 6,6 millions de personnes ont fait une demande d’aide au chômage la première semaine d’avril ; soit 10 millions de nouvelles demandes en 15 jours seulement. A elle seule, la chaîne américaine de grands magasins Macy’s, qui possède notamment à New York l’un des plus grands magasins au monde, a ainsi mis au chômage (au moins partiel) le chiffre effrayant de plus de 130 000 travailleurs.  

Et ces vagues de chômage ne sont pas réservées aux Etats-Unis, bien au contraire : elles sont devenues monnaies courantes dans le monde entier. A Dubaï, la boutique en ligne The Modist a fermé ses portes. En Angleterre, Debenhams, qui emploie plus de 22 000 salariés, se prépare à être nationalisé, tandis que des dizaines de milliers d’employés du groupe Arcadia ont été temporairement renvoyés. En Allemagne, le plus grand magasin du pays, Galeria Karstadt Kaufhof, a renvoyé 28 000 employés. En Australie, le grand magasin Myer a annoncé avoir renvoyé 10 000 personnes sans compensation. La liste est longue, et fait froid dans le dos : aucun pays n’est épargné par ces difficultés financières et économiques.

Absolème impact du coronavirus sur l'industrie de la mode

Supply Compass

Ces différents chiffres ne concernent que la partie visible de l'industrie de la mode, aux yeux de l'Occident. Car il y a les autres, ceux dont on oublie de parler. Les conséquences de cette situation vont en effet bien au-delà des simples établissements cités : un nombre impressionnant d’emplois dépendent de ces structures, du côté non pas de la vente mais de la fabrication. Des millions de travailleurs, de « petites mains » dans des usines en Inde ou au Bangladesh ont eu aussi perdu leur travail du jour au lendemain. Selon les chiffres de l’association Bangladesh Garment Manufacturers and Exporters, plus de 2,9 milliards de dollars d’exportation ont été soit annulés, soit mis en pause, privant ainsi de travail plus de 2 millions de personnes. Un drame pour ces familles qui ne bénéficient pas du système d’aide ni de santé que nous avons en Occident. Ce sont des centaines de milliers de famille qui se retrouvent désoeuvrées, affamées, n'ayant même pas de quoi se nourrir. Sans compter qu'elles vivent dans des situations d’insalubrité et de proximité plus que favorables à la transmission du covid-19...

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Getty Images

Rana Ayyub, une journaliste Indienne, a mené son enquête au sein de Dharavi, le plus grand bidonville d’Asie, où vivent plus d’un million de personnes, et abritant des usines textiles. Pour beaucoup, la distanciation sociale est un privilège qu’ils ne peuvent pas s’offrir. «Je voulais poser des questions sur l’éloignement social, mais j’avais l’impression que c’était tellement obscène… parce que je suis une personne privilégiée… portant mon masque N95, des gants et un désinfectant pour les mains», a-t-elle déclaré. « Comment parlez-vous de la distance sociale quand il y a huit personnes dans une pièce sans eau, sans assainissement, sans savon? ». La priorité, au jour le jour, est pour eux de gagner assez d’argent pour ramener de quoi se nourrir à la maison, et survivre.  « Les ouvriers, les migrants et les travailleurs qui ont travaillé dans l’industrie du vêtement sont les héros méconnus de la fraternité de la mode », «Ces mains ont construit certains des plus beaux designs et pour le moment, elles ne peuvent pas nourrir leur famille.»

 

Vers de nouvelles habitudes d’achat ?

Bien loin de ces préoccupations vitales, la vie reprend peu à peu son cours en Chine, qui se remet doucement de la pandémie. Pendant qu’en Occident les populations se précipitaient dans les supermarchés pour faire le plein de denrées alimentaires et de papier toilette, la Chine se demandait si de tels comportements l’attendaient mais sur un différent type de produit : le shopping. Les populations enfin libérées vont-elles passer leur frustration sur des achats compulsifs, qui auraient au moins l'avantage de permettre à l’économie de remonter la pente ? La théorie du « Revenge Buying » est allée bon train, et seul l'avenir nous dira ce qu'il en sera.

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Séphane de Sakutin / AFP

D’autres au contraire espèrent que cette période de confinement aura abouti à un changement des mentalités. Les semaines à rester chez eux pourraient permettre aux gens de prendre conscience des plaisirs simples de la vie, et les pousseraient à chercher des valeurs plus éthiques et plus respectueuses dans leurs achats.

Une chose est sûre, dans l’univers de la mode les achats se font déjà différemment. Le luxe, délaissé, fait place aux tenues de sport et autres joggings cosys et confortables, dont les ventes quant à elles se portent très bien à l’échelle mondiale. Le covid-19 a-t-il ouvert la porte à la « Fitness Fashion » ? Entre renouvellement des critères d'achat et valeurs de consommation repensées, espérons que cet épisode coronavirus aura permis aux différentes populations aisées et rassasiées de prendre conscience de la chance qu'elles avaient. 

Source : Business of Fashion Magazine

 

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Laëtitia, Fondatrice d'Absolème